Le premier sermon du Bouddha après son illumination était centré sur les Quatre Nobles Vérités, qui constituent le fondement du bouddhisme. Une façon de comprendre le concept est de considérer les Vérités comme des hypothèses, et le Bouddhisme comme le processus de vérification de ces hypothèses, ou de réalisation de la vérité des Vérités.
Les quatre nobles vérités
Une interprétation courante et bâclée des Vérités nous dit que la vie est souffrance ; la souffrance est causée par l’avidité ; la souffrance prend fin lorsque nous cessons d’être avides ; la façon d’y parvenir est de suivre quelque chose appelé l’Octuple Sentier.
Dans un cadre plus formel, les Vérités se lisent comme suit :
- La vérité de la souffrance (Dukkha)
- La vérité sur la cause de la souffrance (Taṇhā)
- La vérité sur la fin de la souffrance (Nirhodha)
- La vérité du chemin qui nous libère de la souffrance (Magga)
Très souvent, les gens s’accrochent à l’idée que « la vie est souffrance » et décident que le bouddhisme n’est pas pour eux. Cependant, si vous prenez le temps d’apprécier en quoi consistent réellement les Quatre Nobles Vérités, tout le reste concernant le bouddhisme deviendra beaucoup plus clair. Voyons chacune de ses nobles vérités plus en détail.
La première noble vérité (Dukkha)
La Première Noble Vérité est souvent traduite par « la vie est souffrance ». Ce n’est pas aussi désastreux qu’il y paraît ; c’est en fait tout le contraire, c’est pourquoi cela peut prêter à confusion.
Une grande confusion est due à la traduction anglaise du mot pali/sanskrit dukkha par « souffrance ». Selon le Vén. Ajahn Sumedho, moine et érudit Theravadin, le mot signifie en réalité « incapable de satisfaire » ou « incapable de supporter ou de résister à quoi que ce soit ». D’autres chercheurs remplacent « souffrance » par « stressant ».
Dukkha fait également référence à tout ce qui est temporaire, conditionnel ou composé d’autres choses. Même quelque chose de précieux et d’agréable est dukkha parce qu’il aura une fin.
De plus, le Bouddha ne disait pas que tout dans la vie est implacablement horrible. Dans d’autres sermons, il parlait de nombreux types de bonheur, comme le bonheur de la vie de famille. Mais en regardant de plus près le dukkha, nous constatons qu’il touche tout dans nos vies, y compris la chance et les moments heureux.
Entre autres choses, le Bouddha a enseigné que les skandhas sont des dukkha. Les skandhas sont les composantes d’un être humain vivant : la forme, les sens, les idées, les prédilections et la conscience. En d’autres termes, le corps animé que vous identifiez comme étant vous-même est dukkha car il est éphémère et finira par périr.
La deuxième noble vérité (Taṇhā)
La Deuxième Noble Vérité enseigne que la cause de la souffrance est l’avidité ou le désir. Le vrai mot des premières écritures est tanha, et il est plus précisément traduit par « soif » ou « envie ».
Nous recherchons continuellement quelque chose en dehors de nous-mêmes pour être heureux. Mais quel que soit notre succès, nous ne restons jamais satisfaits. La Deuxième Vérité ne nous dit pas que nous devons abandonner tout ce que nous aimons pour trouver le bonheur. Le vrai problème ici est plus subtil ; c’est l’attachement à ce que nous désirons qui nous cause des ennuis.
Le Bouddha a enseigné que cette soif naît de l’ignorance de soi. Nous traversons la vie en saisissant une chose après l’autre pour avoir un sentiment de sécurité envers nous-mêmes. Nous nous attachons non seulement aux choses physiques, mais aussi aux idées et opinions sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure. Ensuite, nous devenons frustrés lorsque le monde ne se comporte pas comme nous le pensons et que nos vies ne sont pas conformes à nos attentes.
La pratique bouddhiste entraîne un changement radical de perspective. Notre tendance à diviser l’univers entre « moi » et « tout le reste » s’estompe. Avec le temps, le praticien est mieux à même de profiter des expériences de la vie sans jugement, préjugés, manipulation ou toute autre barrière mentale que nous érigeons entre nous et ce qui est réel. Les enseignements du Bouddha sur le karma et la renaissance sont étroitement liés à la Deuxième Noble Vérité.
La troisième noble vérité (Nirhodha)
Les enseignements du Bouddha sur les Quatre Nobles Vérités sont parfois comparés à un médecin diagnostiquant une maladie et prescrivant un traitement. La première vérité nous dit ce qu’est la maladie et la seconde vérité nous dit quelle est la cause de la maladie. La Troisième Noble Vérité laisse espérer un remède.
La solution au dukkha est d’arrêter de s’accrocher et de s’attacher. Mais comment fait-on cela ? Le fait est que cela ne peut être accompli par un acte de volonté. Il est impossible de se faire un serment, à partir de maintenant je n’aurai plus envie de rien. Cela ne fonctionne pas car les conditions qui donnent naissance à l’envie seront toujours présentes.
La Deuxième Noble Vérité nous dit que nous nous accrochons à des choses qui, selon nous, nous rendront heureux ou nous protégeront. S’emparer d’une chose éphémère après l’autre ne nous satisfait jamais longtemps car tout est éphémère. Ce n’est que lorsque nous constatons cela par nous-mêmes que nous pouvons cesser de comprendre. Quand nous le voyons, le lâcher prise est facile. L’envie semblera disparaître d’elle-même.
Le Bouddha a enseigné que grâce à une pratique assidue, nous pouvons mettre fin à l’envie. Mettre fin à la course-poursuite du hamster après la satisfaction est l’illumination (bodhi, « éveillé »). L’être éveillé existe dans un état appelé nirvana.
La quatrième noble vérité (Magga)
Le Bouddha a passé les 45 dernières années de sa vie à discourir sur certains aspects des Quatre Nobles Vérités. La majorité d’entre elles concernaient la Quatrième Vérité : le chemin (Magga).
Dans la Quatrième Noble Vérité, le Bouddha, en tant que médecin, prescrit le traitement de notre maladie : l’Octuple Sentier. Contrairement à de nombreuses autres religions, le bouddhisme ne présente aucun avantage particulier à simplement croire en une doctrine. Au lieu de cela, l’accent est mis sur la pratique de la doctrine et sur le chemin parcouru.
Le chemin comprend huit grands domaines de pratique qui touchent chaque aspect de notre vie. Cela va de l’étude à la conduite éthique en passant par ce que vous faites dans la vie et la pleine conscience d’instant en instant. Chaque action du corps, de la parole et de l’esprit est abordée par le chemin. C’est un chemin d’exploration et de discipline à parcourir pour le reste de sa vie.
Sans le chemin, les trois premières Vérités ne seraient qu’une théorie. La pratique de l’Octuple Sentier amène le dharma dans la vie et le fait fleurir.
Comprendre les vérités prend du temps
Si vous êtes encore confus, rassurez-vous ; ce n’est pas si simple. Il faut des années pour apprécier pleinement ce que les vérités signifient. En fait, dans certaines écoles du bouddhisme, une compréhension approfondie des Quatre Nobles Vérités définit l’illumination elle-même.
Comprendre les Quatre Nobles Vérités n’est pas simplement une affaire intellectuelle ou de mémorisation. C’est un processus vivant qui implique une transformation personnelle profonde au fur et à mesure que l’on intègre ces vérités dans son expérience quotidienne.
Pour cela, le bouddhisme offre une variété de pratiques méditatives et éthiques destinées à cultiver la sagesse, l’éthique et la concentration.
La pratique de la méditation
La méditation est centrale dans le bouddhisme pour réaliser personnellement les Quatre Nobles Vérités. Elle aide à développer la pleine conscience et la concentration, qui sont essentielles pour voir les choses telles qu’elles sont réellement. La méditation sur la respiration et la méditation de pleine conscience sont des pratiques clés qui mènent à la compréhension profonde de dukkha, son origine, sa cessation et le chemin menant à cette cessation.
L’éthique bouddhiste
Vivre selon les principes éthiques est une autre pratique pour comprendre les Quatre Nobles Vérités. Le respect des préceptes, tels que s’abstenir de prendre la vie, de voler, de se livrer à une conduite sexuelle inappropriée ou de mentir, crée les conditions nécessaires pour une pratique méditative fructueuse. L’éthique dans le bouddhisme n’est pas une contrainte imposée de l’extérieur, mais une discipline choisie librement qui mène à la liberté et à la paix intérieures.
La compassion et la sagesse
Au cœur du chemin bouddhiste se trouvent aussi le développement de la compassion (karuṇā) et de la sagesse (paññā). La compassion nous motive à pratiquer non seulement pour notre propre bien mais aussi pour le bien-être de tous les êtres. La sagesse, en particulier la compréhension de l’impermanence (anicca), de la souffrance (dukkha) et de l’absence de soi (anatta), permet de voir la réalité telle qu’elle est, ce qui est indispensable pour la libération de dukkha.
Le rôle de la Sangha
Le soutien de la communauté des pratiquants, ou Sangha, est inestimable dans le chemin vers la compréhension et la réalisation des Quatre Nobles Vérités. La Sangha offre un environnement de soutien pour la pratique, des enseignements et la possibilité de vivre en harmonie avec d’autres pratiquants. L’interaction avec la Sangha aide à cultiver les qualités nécessaires pour progresser sur le chemin, telles que la générosité (dāna), la patience (khanti) et la détermination (viriya).
En fin de compte, les Quatre Nobles Vérités ne sont pas seulement une doctrine à comprendre intellectuellement mais un chemin de vie à expérimenter et à réaliser. Chaque étape sur ce chemin, qu’elle concerne la méditation, l’éthique, la sagesse, la compassion, ou le soutien de la Sangha, est une occasion de se transformer et de s’approcher de la libération de dukkha. La pratique du bouddhisme est donc un engagement à long terme envers la croissance personnelle et spirituelle.